Les traitements médicamenteux
Selon le stade de psychose débutante, un traitement spécifique sera recommandé.
Ultra-Haut Risque de psychose (UHR)
Les recommandations privilégient, au stade d'Ultra-Haut Risque (UHR), les approches psychoéducatives et cognitivo-comportementales. Des actions visant les facteurs environnementaux (gestion du stress, des consommations de toxiques, etc.) sont recommandées.
Aucun traitement médicamenteux n’a fait la preuve d’une efficacité. L’usage d'antipsychotiques n’est pas préconisé à ce stade. Il n’améliore pas le pronostic.
Premier épisode psychotique (PEP)
Trois objectifs sont recherchés dans la prise en charge du premier épisode psychotique (PEP) dans les programmes d’intervention précoce (1) :
Réduire la symptomatologie psychotique
Prévenir les rechutes
Assurer à la personne le meilleur rétablissement fonctionnel possible.
La pharmacothérapie antipsychotique est la pierre angulaire de la prise en charge.
Sa prescription obéit à certaines spécificités qui la distinguent du maniement classique dans le cadre d’un trouble psychotique chronique (2).
La prescription d’un antipsychotique repose avant tout sur la recherche d’un rapport bénéfice/risque permettant la meilleure observance possible.
Les antipsychotiques de seconde génération sont recommandés en première intention. La tolérance neurologique étant meilleure (moindre incidence de symptômes extrapyramidaux et de dyskinésies tardives), elle rend cette classe d’antipsychotique plus efficiente (évalué par le taux d’interruption du traitement) bien que tout aussi efficace qu’un antipsychotique de première génération. De plus, les antipsychotiques de première génération généreraient davantage de symptômes négatifs secondaires et de troubles cognitifs (3). Trois molécules sont à privilégier parmi les antipsychotiques de seconde génération pour la prise en charge d’un premier épisode psychotique: l’aripiprazole, la risperidone et l’olanzapine (1,4–6).
Il est désormais bien établi que les sujets naïfs de traitements antipsychotiques présentent un risque augmenté de développer des effets secondaires par rapport aux populations avec trouble chronique (7).
Les principaux effets indésirables sont :
- prise de poids,
- intolérance au glucose et diabète,
- hypertriglycéridémie,
- hyperprolactinémie,
- sédation.
Si ces effets indésirables se présentent, plusieurs adaptations peuvent être réalisées : modification de la posologie de l’antipsychotique, changement d’antipsychotique, adjonction de traitement dit correcteur, mise en place de règles hygiéno-diététiques.
Règles de prescription
Start slow, go slow !
Il est clairement établi que les patients présentant un PEP répondent à des doses de traitements inférieures à celles employées chez les patients ayant présenté plusieurs épisodes (10). L'intérêt de débuter un traitement par de faibles doses d’antipsychotiques est également de minimiser les risques de survenue d’effets indésirables auxquels ces sujets sont particulièrement sensibles.
Débuté à faible posologie, par exemple :
- Risperidone : 0,5-1mg/j à 2 à 3 mg
- Aripiprazole : 5-10mg/j à 10 à 15 mg
- Olanzapine : 2,5-5 mg/j à 7,5 à 10 mg
Choix de l’antipsychotique
- Selon l’existence d’une dimension thymique,
- Du risque métabolique,
- Des effets extrapyramidaux attendus,
- Du profil cardiovasculaire (QT en particulier),
- Du risque d’hyper-prolactinémie,
- Autres (incluant choix du patient et leur expérience subjective du traitement).
Lors de la mise en place du traitement, il convient d’évaluer de façon rapprochée l’efficacité et la tolérance du traitement initié.
Recommandations HAS 2007 de surveillance des antipsychotiques (8) :
- Glycémie (trimestrielle la première année, puis semestrielle),
- Bilan lipidique : CT, HDL-C, LDL-C, TG (surveillance annuelle ou trimestrielle selon le traitement),
- Ionogramme sanguin (surveillance annuelle),
- Dosage des transaminases (surveillance annuelle),
- Dosage de la créatinine (surveillance annuelle),
- ECG selon le traitement et les données du bilan initial,
- Hémogramme (surveillance annuelle). L’usage de la clozapine nécessite une surveillance hématologique particulière,
- Dosage de la prolactine si indication,
- Dosage sanguin du traitement antipsychotique en cas de réponse clinique inadaptée, âges extrêmes, suspicion de mauvaise observance ou aide à sa surveillance, poly-médication, analyse des effets indésirables.
Délai avant changement d’antipsychotiques en cas de non-réponse
Dans un premier temps, il semble nécessaire de rechercher les causes de “fausse résistance”, principalement un défaut d’observance et/ou une comorbidités d’abus de substance (9).
Les recommandations internationales considèrent qu’on parle de résistance en cas de non réponse ou réponse partielle après 4 semaines d’antipsychotique à dose efficace.
Il s’agit du délai préconisé avant d’envisager un switch de traitement antipsychotique. La clozapine est consensuellement reconnue comme le traitement de référence dans le PEP pharmacorésistant c'est-à-dire résistant à deux antipsychotiques à posologie efficace pendant un durée suffisante (10).
Durée de la prescription d’antipsychotique
Il n’existe pas de durée consensuelle pour la prescription d'un antipsychotique dans le PEP.
Les recommandations internationales recommandent une durée de traitement de 1 à 2 ans (11).
Les antipsychotiques d’action prolongée
Entre 75 et 90% des patients sont non observants entre 1 et 2 ans après la sortie d’une première hospitalisation (12).
Les traitements retard à libération prolongée ont leur place dès le PEP. Ils ont en effet montré un intérêt sur l’observance et montrent une facilitation du suivi du traitement (13).
Les autres traitements médicamenteux
Un PEP peut être l’expression d’un trouble thymique :
- La suspicion d’un trouble bipolaire doit orienter la prescription vers un thymo-régulateur (prioritairement le lithium, selon les recommandations australiennes de 2016) en complément d’un antipsychotique de seconde génération.
- La suspicion d’une dépression avec caractéristiques psychotiques doit orienter la prescription vers un antidépresseur à faible posologie, en plus de l’antipsychotique de seconde génération après avoir écarté le risque d’un trouble bipolaire.
Bien évidemment, en fonction du bilan, d’autres thérapeutiques pourront être discutées, en adjonction à l’antipsychotique. Il est notamment nécessaire de supplémenter d’éventuels carences : vitamines B9, B12, D, calcium, fer, etc.
Effets secondaires métaboliques
La surveillance du syndrome métabolique est à réaliser dès l’initiation du traitement antipsychotique. Les recommandations actuelles de surveillance sont:
Comment prévenir le syndrome métabolique ?
- Mise en place de règles hygiéno-diététiques,
- Mise en place d’interventions ou de programmes ciblant l’activité physique adaptée. D’autant plus efficaces que commencés tôt (dès le premier épisode psychotique). Par exemple : Programme HeAL (Healthy Active Lives), KBIM (Keeping the Body in Mind),
- Traitements médicamenteux.
Les mesures hygiéno-diététiques
Activité physique
- Type aérobie au moins 30 minutes par jour 5 fois par semaine,
- Perte de poids (graisse abdominale), lutte contre le surpoids et l’obésité
Alimentation saine et équilibrée
- Favoriser les fruits et légumes, les oméga-3 et oméga-9
- Éviter les aliments gras, limiter les apports caloriques et le sel
- Solliciter une consultation diététique
- Éviter le tabac et l'alcool
En fonction du profil de tolérance de l’antipsychotique, la prescription d’un traitement anti-diabétique oral par metformine peut être indiqué.
Sources
1. Crespo-Facorro, B., Pelayo-Teran, J. M. & Mayoral-van Son, J. Current Data on and Clinical Insights into the Treatment of First Episode Nonaffective Psychosis: A Comprehensive Review. Neurol Ther 5, 105–130 (2016).
2. Robinson, D. G. Pharmacological Treatments for First-Episode Schizophrenia. Schizophrenia Bulletin 31, 705–722 (2005).
3. Zhang, J.-P. et al. Efficacy and safety of individual second-generation vs. first-generation antipsychotics in first-episode psychosis: a systematic review and meta-analysis. International Journal of Neuropsychopharmacology 16, 1205–1218 (2013).
4. Robinson, D. G. et al. A Randomized Comparison of Aripiprazole and Risperidone for the Acute Treatment of First-Episode Schizophrenia and Related Disorders: 3-Month Outcomes. SCHBUL 41, 1227–1236 (2015).
5. San, L. et al. One-year, randomized, open trial comparing olanzapine, quetiapine, risperidone and ziprasidone effectiveness in antipsychotic-naive patients with a first-episode psychosis. Psychiatry Research 200, 693–701 (2012).
6. Glick, I. D. et al. Mid-Term and Long-Term Efficacy and Effectiveness of Antipsychotic Medications for Schizophrenia: A Data-Driven, Personalized Clinical Approach. J. Clin. Psychiatry 72, 1616–1627 (2011).
7. Tarricone, I., Ferrari Gozzi, B., Serretti, A., Grieco, D. & Berardi, D. Weight gain in antipsychotic-naive patients: a review and meta-analysis. Psychol. Med. 40, 187–200 (2010).
8. HAS, G.-A. L. D. Schizophrénie. (2007).
9. Velligan, D. I. et al. Strategies for Addressing Adherence Problems in Patients with Serious and Persistent Mental Illness: Recommendations From the Expert Consensus Guidelines. Journal of Psychiatric Practice 16, 306–324 (2010).
10. Remington, G. Antipsychotic Dosing: Still a Work in Progress. AJP 167, 623–625 (2010).
12. Sendt, K.-V., Tracy, D. K. & Bhattacharyya, S. A systematic review of factors influencing adherence to antipsychotic medication in schizophrenia-spectrum disorders. Psychiatry Res 225, 14–30 (2015).
13. NICE, C. G. Psychosis and schizophrenia in adults: prevention and management. (2014).