Les traitements psychothérapeutiques
Différentes prises en charge non médicamenteuses doivent être proposées selon les ressources et les difficultés du·de la patient·e. Elles ont montré un réel bénéfice en complément du traitement médicamenteux.
Ces prises en charge ont pour but une réhabilitation psychosociale : favoriser le rétablissement de la personne, c’est-à-dire une autonomie et une qualité de vie satisfaisantes par rapport à ses attentes.
La psycho-éducation
Les thérapies psychoéducatives peuvent se définir comme une prise en charge didactique en individuel ou en groupe à destination de personnes souffrant d’un trouble chronique. Elles visent à aider le patient et ses proches à comprendre le trouble et le traitement, à coopérer avec les soignants et à maintenir ou améliorer la qualité de vie ainsi que l’insertion socio-professionnelle sur le long terme (1,2).
En psychiatrie, elle est principalement développée pour les pathologies chroniques, telle que la schizophrénie. Ces bénéfices apparaissent considérables (3,4), toutefois, aucune étude n’a évalué formellement l’impact de la psychoéducation dans le Premier Épisode Psychotique (PEP).
Or, il semble judicieux de pouvoir proposer ce type d’intervention le plus précocement dans le parcours de soins afin de contribuer à la réduction des préjugés liés à la maladie et aux structures psychiatriques, de développer des réponses positives « normalisantes » face à l’expérience vécue et de diminuer les traumatismes liés aux premières hospitalisations non-volontaires (5).
Le fond et la forme des programmes de psychoéducation élaborés dans le cadre de la schizophrénie apparaissent peu adaptés au contexte du PEP (6,7).
Aujourd’hui, il existe encore peu de programme proposant de la psychoéducation aux patients avec un PEP : le programme I Care,You Care développé par l’équipe parisienne du Pr Krebs et le programme TIPP (Traitement et intervention précoce dans les troubles psychotiques) élaboré à Lausanne par l’équipe du Pr. Conus. Le programme I Care, You Care a pour particularité de s'adresser aux jeunes avec PEP mais également aux parents du jeune souffrant d’un PEP. Il s’appuie sur le programme standardisé spécifiquement élaboré pour les proches de patients avec un PEP, le programme canadien AVEC (Accompagner, Valider, Échanger et Comprendre) de Tania Lecomte (8).
On sait que l’implication de la famille potentialise l’effet bénéfique de la psychoéducation chez les patients notamment en termes de réduction de symptômes et prévention de la rechute (9–11).
Sa mise en place rapide réduirait le fardeau émotionnel de la stigmatisation et engagerait la famille dans les soins (12) et dans le processus de rétablissement de son proche (13). Cela est particulièrement pertinent dans le cadre des PEP puisque 60 à 70% de ces jeunes vivent ou sont en contact avec leur famille (14). Les interventions proposées aux familles de personnes avec un PEP comprennent de la psychoéducation, de l’apprentissage de techniques de communication et de résolution de problèmes (15,16). La psychoéducation sur la maladie et les traitements augmenterait considérablement le sentiment de bien-être des proches et leurs connaissances sur le trouble (17–19) et permettrait de réduire leur symptomatologie dépressive et la vision négative envers la maladie (20). L’apprentissage de techniques de communication aurait un impact positif sur les symptômes psychotiques de l’individu atteint et sur son fonctionnement social (21,22). Enfin, l’incorporation de techniques en TCC permettrait de diminuer nettement le stress (23), la symptomatologie dépressive et anxieuse ainsi que le sentiment de fardeau ressenti par les proches (24).
Les thérapies cognitives et comportementales (TCC)
Une Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC) est une thérapie brève qui se concentre sur les interactions entre pensées, émotions et comportements. Après une analyse des difficultés propres des personnes, elles permettent de modifier des schémas de pensées, des réactions émotionnelles ou des comportements invalidants. Les TCC s’appuient sur différentes stratégies qui aident les personnes à identifier les mécanismes à l’origine de ses difficultés, à trouver des alternatives permettant de sortir de cercles vicieux qui perpétuent et aggravent sa souffrance psychique.
La TCC est l’intervention thérapeutique la plus largement recommandée à tous les stades de la psychose (25,26).
Depuis une trentaine d’années, elle est en plein essor et de nombreuses études ont montré d’importants bénéfices auprès de patients atteints de schizophrénie concernant la diminution de la symptomatologie psychotique, le sentiment de détresse des patients, l’augmentation du bien-être, l’estime de soi et la qualité de vie (27–29).
En revanche, les études apparaissent peu nombreuses dans le PEP et les résultats apparaissent non concluants à l’heure actuelle (30,31). Sonmez et al (32), ont pu mettre en évidence qu’en ciblant, via les TCC, les symptômes dépressifs, anxieux et l’estime de soi, chez les patients avec un PEP, la symptomatologie négative et le fonctionnement s'améliorent significativement. Ainsi, en travaillant sur ces aspects plutôt que directement sur les symptômes psychotiques, il serait possible de réduire la détresse ressentie par les patients. Comme cela a pu déjà être montré par l’étude de Jackson (33), ils observaient une diminution des symptômes traumatiques. L’efficacité de ces techniques pourrait donc être améliorée en modifiant les cibles thérapeutiques, rendant cruciale la poursuite des recherches en ce sens.
La remédiation cognitive
L’utilisation de la remédiation cognitive est indispensable dès lors qu’une altération du fonctionnement cognitif a été mise en évidence (34).
Les troubles cognitifs représentent un ensemble hétérogène de déficits pouvant affecter la mémoire, l’attention, les fonctions exécutives et la cognition sociale. Il est indéniable qu’ils altèrent les compétences relationnelles et professionnelles des personnes présentant une pathologie psychotique chronique, mais ils peuvent aussi toucher celles des patients avec une psychose débutante. De plus, le développement des symptômes schizophréniques peut être favorisé par certains troubles cognitifs (spécifiques, comme les troubles de l’agentivité ou les troubles du monitoring de la source pour les symptômes positifs, ou aspécifiques, comme les troubles de l’attention ou de la mémoire pour les symptômes négatifs), avec un retentissement indirect sur les compétences relationnelles et professionnelles. Enfin, les troubles cognitifs sont peu améliorés par les antipsychotiques ou la psychothérapie (34). La remédiation cognitive n’est pas destinée à se substituer aux traitements médicamenteux et à la psychothérapie, mais son utilisation est indispensable pour compléter leur action. Son mode d’action repose sur l’entraînement des fonctions déficitaires ou le développement des fonctions préservées à travers un mécanisme de compensation (35).
L’utilisation de la remédiation cognitive dans le traitement des psychoses est indispensable du fait d’une efficacité démontrée et de l’absence d’autre moyen thérapeutique susceptible d’entraîner une amélioration des déficits visés, en dehors des dispositifs technologiques (34) destinés à compenser les conséquences comportementales de déficits cognitifs ayant une faible propension à l’amélioration.
Elle ne doit toutefois être utilisée qu’en dehors de la phase aiguë. Il faut en effet la pratiquer en post-crise et après réduction du traitement neuroleptique à la posologie minimale efficace afin de ne pas se consacrer à la lutte contre les déficits cognitifs secondaires aux symptômes psychotiques ou les déficits cognitifs iatrogène. Elle est indiquée lorsque des difficultés cognitives (difficultés de mémoire, de concentration, d’organisation, etc.) sont objectivées à l’aide d’un bilan neuropsychologique.
Dans la mesure où un meilleur fonctionnement cognitif favorise le déroulement d’une psychothérapie et la participation à tous types de soins groupaux, il est pertinent d’introduire la remédiation cognitive le plus tôt possible, en amont de techniques utilisant la symbolisation, nécessitant une réflexion ou requérant une remise en question. À l'inverse, la remédiation cognitive doit intervenir après la psychoéducation, dans la mesure où il est nécessaire que le patient soit informé de son diagnostic et des conséquences de sa maladie sur son fonctionnement cognitif (34).
L’objectif de la remédiation cognitive est l’apprentissage de nouvelles stratégies pour s’adapter aux situations problématiques du quotidien. En effet, tout au long de la vie, le cerveau reste malléable et garde des capacités d’apprentissage et d’adaptation (c’est ce qu’on appelle la plasticité cérébrale). La remédiation cognitive permet d’entraîner le cerveau et de venir stimuler cette plasticité cérébrale, à l’aide de stratégies spécifiques. Son principal objectif est de pouvoir transférer les acquis et les stratégies apprises en séances au quotidien.
Son principal objectif est de pouvoir transférer les acquis et les stratégies apprises en séances au quotidien.
Les séances peuvent être proposées en individuel ou en groupe, avec des tâches papier-crayon ou des outils informatiques comme des jeux en ligne. La remédiation cognitive fait partie des techniques d’entraînement cérébral. La remédiation cognitive a été spécifiquement développée pour le traitement de patients et il n’est pas prévu de laisser le patient seul face à une machine (y compris dans les programmes assistés par ordinateur). La remédiation cognitive implique l’utilisation de programmes adaptés aux troubles des patients et validés scientifiquement, dont la progressivité des exercices a été spécifiquement étudiée.