Le trouble bipolaire
Le trouble bipolaire concerne, dans un spectre large, environ 1 à 2,5 % de la population générale et débute généralement entre 15 et 30 ans. Le diagnostic est souvent posé tardivement. Ce retard diagnostique participe au risque suicidaire, qui est élevé dans le trouble bipolaire.
Le trouble bipolaire, qu’est ce que c’est ?
Autrefois appelé psychose maniaco-dépressive, le trouble bipolaire est une maladie chronique qui se manifeste par des dérèglements de l’humeur. Dans sa forme la plus typique, le trouble bipolaire se caractérise par des alternances de périodes d’excitation de l’humeur (phase maniaque), de périodes de tristesse de l’humeur (phase dépressive) et de périodes de retour à la stabilité (phase d’euthymie).
Il existe plusieurs types de troubles bipolaires. Ils se distinguent par l’intensité des épisodes ou la présence d’un virage rapide de l’humeur suite à la prise d’un antidépresseur.
L'épisode maniaque
Durant plusieurs jours, la personne peut être hyperactive, euphorique, exaltée, irritable, faire de multiples projets, des dépenses inconsidérées et perdre son objectivité. Le sommeil est souvent réduit. Ceci peut s’associer à des prises de risque telles qu’une consommation de toxiques, des relations sexuelles non protégées, etc. Il peut également y avoir des symptômes délirants (perte de contact avec la réalité).
L’hypomanie se caractérise par les mêmes symptômes que la manie mais d’une intensité moindre. Ceci rend le diagnostic plus difficile car les symptômes sont moins marqués.
L'épisode dépressif
Durant au moins 15 jours, la personne est triste, ralentie, n’a goût à rien, a de grosses difficultés à réaliser ses activités quotidiennes. Elle peut avoir des idées suicidaires. Le sommeil peut être perturbé.
L'état mixte
Parfois la personne peut présenter un mélange des deux humeurs, maniaque et dépressive, tout au long de la journée.
C’est ce qu’on appelle un état mixte.
Entre les épisodes
La personne retrouve un état psychique plus stable. Ces épisodes peuvent s'enchaîner de différentes façons et les états dépressifs et maniaques peuvent être d’intensité variable.
Ces troubles de l’humeur apparaissent soit sans raison apparente, soit en réaction à un facteur déclenchant : consommation de toxiques, évènement de vie positif/négatif (séparation, deuil, promotion professionnelle, etc.).
Le trouble bipolaire est une maladie chronique, c'est-à-dire qui dure dans le temps. Ceci veut dire qu’on garde tout au long de sa vie cette fragilité sur le plan thymique.
Si une guérison n’est pas possible, une rémission, c’est-à-dire la disparition des symptômes (maniaques et dépressifs) sous traitement, l’est.
On parle de guérison fonctionnelle.
L'origine du trouble bipolaire
Aujourd’hui, on parle d’un modèle « biopsychosocial », c’est-à-dire qu’il existe des interactions complexes entre la vulnérabilité génétique (liée aux gènes) et des facteurs environnementaux ou physiologiques divers (évènements de vie, consommation de drogues, décalages horaires, grossesse, etc.). Ainsi que des stress répétés auxquels le sujet a du mal à faire face.
La prise en charge du trouble bipolaire
Le bilan initial
Un bilan initial sera réalisé afin de :
- Établir un bilan des épisodes, le plus complet et précis possible avec l'aide de la personne concernée et celui de son entourage si celle-ci est d'accord
- Établir un bilan de la santé physique de la personne concernée
- Envisager la possibilité d’un traitement médicamenteux et planifier avec la personne concernée, les soins et le suivi au long cours de la maladie
Le bilan paraclinique consiste en une prise de sang et un électrocardiogramme, complété selon les besoins par des bilans endocrinien, urinaire, un électroencéphalogramme, une imagerie cérébrale.
Les professionnel·les de santé
Le bilan initial et le suivi seront réalisés par un·e psychiatre. La prise en charge globale peut faire intervenir d’autres soignant·es : infirmier·ères, psychologues, assistant·es social·es, etc.
Dans certaines situations, une hospitalisation est nécessaire
C’est le cas lorsque l’épisode (dépressif ou maniaque) est intense, quand il y a un risque suicidaire ou lorsqu’un bilan somatique est indiqué. C’est également le cas lors de la mise en place de certains traitements quand un suivi quotidien est nécessaire pour la bonne mise en place du traitement.
Les démarches administratives
Le trouble bipolaire est une maladie chronique reconnue par la maison départementale des personnes handicapées (MPDH). Une demande de prise en charge par la MDPH peut donc être réalisée.
Pour déposer une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur·se handicapé·e à la MDPH, il faut constituer un dossier en partenariat avec les médecins qui suivent la personne concernée (en réunissant des bulletins d'hospitalisation, les prescriptions médicamenteuses, etc.). La MDPH met entre 9 mois et un an à répondre à la demande, en fonction des délais de traitement.
Les différents traitements du trouble bipolaire
À quoi servent les traitements médicamenteux ?
Les médicaments prescrits dans le trouble bipolaire sont le plus souvent des « thymorégulateurs » qui permettent de stabiliser l’humeur.
Ils sont utilisés au long cours pour prévenir et traiter les rechutes.
On peut y ajouter un traitement antipsychotique en cas de symptômes délirants. Parce qu’ils peuvent accélérer le passage d’un épisode à l’autre, la prescription d’antidépresseurs est limitée à des dépressions sévères et sous couvert d’un thymorégulateur. Dans certains cas, des traitements par neurostimulation peuvent être utiles.
De nombreux traitements thymorégulateurs existent. Le lithium est le traitement thymorégulateur de référence. Il prévient les récurrences d’épisodes dépressifs et maniaques.
Ces traitements médicamenteux peuvent occasionner des effets indésirables. Il est tout à fait légitime de demander à son·sa médecin quels sont les effets secondaires possibles.
Ils peuvent être différents en fonction du médicament choisi.
Les effets secondaires ne sont pas systématiques. Si des effets secondaires se présentent, il est nécessaire d’en discuter avec son·sa médecin. L'essentiel est de trouver le meilleur compromis entre efficacité et tolérance du traitement. La prise de traitements nécessite un suivi (prise de sang, par exemple).
Le trouble bipolaire étant une maladie chronique, le traitement se maintient sur le long cours, tout comme le diabète qui nécessite un traitement régulateur de l’insuline, au long cours.
Connaitre sa maladie
Il est important de comprendre sa maladie pour comprendre le suivi proposé et s'en rendre acteur.
La psychoéducation (ou éducation thérapeutique) proposée par l’équipe soignante, permet d’optimiser le suivi et l’adaptation du projet de soins de la personne concernée en développant des capacités de repérage des signes d’alerte, de meilleures aptitudes à la gestion des facteurs de stress et en adoptant les bons réflexes en termes d'hygiène de vie.
Des programmes de psychoéducation à destination des familles de personnes souffrant de bipolarité existent pour trouver le pouvoir d’agir en tant qu’aidant. L’Unafam notamment propose des formations pour les aidants. Pour renforcer votre capacité à "faire face" au quotidien par l’acquisition de savoirs-faire et de savoirs-être complémentaires relatifs au savoir accompagner.
Les autres interventions thérapeutiques
Les traitements médicamenteux sont indispensables pour la prise en charge d’un trouble bipolaire mais ne résolvent pas tout. La prise en charge du trouble bipolaire est pluridisciplinaire et doit comporter différents types de thérapies en association à la psychoéducation et des règles d’hygiène de vie :
- Thérapie cognitivo-comportementale : permet d’améliorer les symptômes et leur retentissement
- Thérapie motivationnelle : se base sur des entretiens renforçant la motivation de la personne. Elle est particulièrement efficace dans les situations d’addiction
- Réhabilitation psychosociale : explore les atouts et les fragilités de la personne pour renforcer ses ressources personnelles et être partie prenante dans ses soins et dans sa vie en général
- Remédiation cognitive : permet de pallier d’éventuelles difficultés cognitives (difficultés de mémoire, de concentration,
d’organisation, etc.) - Méditation : permet de stabiliser l’humeur et de prévenir une rechute
Comprendre les enjeux de la prise en charge
- Apprendre à reconnaître les signes précoces de la survenue d’un épisode pour mieux agir
- Suivre la prescription et les conseils du médecin
- Adopter un rythme de vie régulier
- Parler avec son·sa psychiatre des effets indésirables de son traitement pour envisager des ajustements
- Consulter lorsque son entourage ou soi-même constate une modification de l’humeur
- Venir aux séances de psychoéducation lorsqu’elles sont proposées par le·la médecin
- Ne pas arrêter son traitement sans demander l’avis de son médecin psychiatre, qui pourra réévaluer l’importance de maintenir le traitement. Dans tous les cas, l’arrêt des traitements doit être accompagné par son médecin
Signes et symptômes
Épisode de manie
Un épisode de manie se reconnaît à la présence continuelle, pendant plusieurs jours, de plusieurs des signes et symptômes suivants chez la personne :
- Sentiment de bonheur et de plaisir très intense ou, au contraire, d’irritabilité excessive
- Hyperactivité, agitation et énergie débordantes
- Diminution du besoin de dormir
- Idées de grandeur. Par exemple, une estime de soi démesurée
- Manque de jugement
- Débit de parole accéléré. Par exemple, la personne parle sans arrêt, coupe la parole aux autres
- Accélération de la pensée. Par exemple, la personne ressent un trop-plein d’idées ou se perd parfois dans ses idées
- Grande distraction. Par exemple, la personne est incapable de fixer son attention sur un sujet
- Comportements à risque qui procurent du plaisir. Par exemple, des achats impulsifs, des investissements financiers risqués ou hâtifs, des comportements sexuels à risque
Épisode de dépression
Un épisode de dépression se caractérise par la présence continuelle, pendant au moins 2 semaines, de plusieurs des signes et symptômes suivants chez la personne :
- Fatigue
- Manque d’énergie ou grande agitation
- Problèmes de sommeil : la personne dort trop ou pas assez
- Diminution ou augmentation de l’appétit, pouvant causer une perte ou un gain de poids
- Diminution ou perte d’intérêt sexuel
- Apparition de malaises tels que des maux de tête, des douleurs au dos ou à l’estomac
- Grande tristesse. Par exemple, la personne pleure souvent
- Très importante perte d’intérêt pour les activités professionnelles, sociales et familiales
- Sentiment de culpabilité ou d’échec
- Diminution de l’estime de soi
- Difficulté à se concentrer sur une tâche
- Difficulté à prendre des décisions
- Pensées suicidaires
Une personne peut perdre le contact avec la réalité et avoir des symptômes associés aux troubles psychotiques pendant un épisode de dépression ou de manie.
Elle peut par exemple entendre des voix ou avoir des idées délirantes.
À retenir
- Le trouble bipolaire est une maladie chronique qui nécessite un traitement au long cours.
- Le traitement de fond, de type thymorégulateur, permet de prévenir la récurrence d'épisodes maniaques et dépressifs. Il est donc important de le prendre tous les jours, même en l’absence de symptôme.
- Toute modification ou arrêt de traitement doit être discuté avec son médecin.
- Il est possible d'agir sur la maladie en adoptant des règles d’hygiène de vie simples.
- Il est possible de se rétablir du trouble bipolaire