Comprendre et lutter contre la stigmatisation
La stigmatisation des maladies psychiques est omniprésente : dans l'inconscient collectif, dans les médias, partout.... Elle est extrêmement délétère. En limitant l'accès aux soins, elle engendre une perte de chance de rétablissement considérable pour les personnes nécessitant une prise en charge.
Définition
On parle de stigmatisation lorsqu’une « étiquette » est attribuée à une personne par la société : cette étiquette véhicule des stéréotypes et entraîne des comportements discriminatoires.
Les stéréotypes sur les personnes souffrant de troubles psychiques sont nombreux : ce sont des idées reçues telles que « les schizophrènes sont dangereux », ou « les dépressifs manquent de volonté ». Ceci entraîne des généralisations comme « elle change tout le temps d'avis, elle est bipolaire », « il est schizophrénique dans ses choix, décide-toi ». Ils engendrent des comportements discriminatoires (rejet, exclusion) qui ont des conséquences dramatiques sur les personnes et les familles de personnes présentant ces troubles psychiques : sentiment de honte, repli, retard à la demande d’aide, etc.
Un peu d'histoire
Pendant de très nombreuses années, en France, la psychiatrie était principalement d’orientation psychanalytique, catégorisant essentiellement les troubles entre névrose et psychose et mettant en avant la prise en charge des maladies par la psychothérapie d’inspiration analytique. Avec la découverte des neuroleptiques à partir de 1952 (Largactil ® par Jean Delay et Pierre Deniker) et la révolution psychopharmacologique qui a suivi (antidépresseurs, anxiolytiques), les hypothèses neurobiologiques des troubles psychiatriques sont apparues et permettent d’élargir les possibilités thérapeutiques.
En parallèle, la recherche en sciences cognitives a dévoilé de nouveaux horizons sur le plan théorique et psychothérapique, avec l’instauration des thérapies cognitives et comportementales, qui agissent sur les émotions, pensées et comportements associés aux troubles. L’efficacité de ces thérapies a été prouvée par de nombreuses études scientifiques.
Plus récemment, la compréhension des troubles psychiatriques s’est enrichie des avancées des neurosciences et de la neurobiologie. La recherche scientifique a permis de mettre en avant que les maladies psychiatriques avaient des bases neurobiologiques et que des traitements spécifiques peuvent être mis en place en fonction des dysfonctionnements présents.
Malheureusement, en France, ces approches sont mal intégrées et proposées encore trop souvent en fonction des positions théoriques des thérapeutes et non seulement en fonction de la preuve de leur efficacité dans la situation clinique rencontrée. Cette division peut parfois impacter le·la patient·e et sa prise en charge car selon le lieu d’habitation de la personne, les interventions proposées pour une même situation seront très variables, plus “psychanalytiques” ou plus “neurobiologiques”.
État actuel
La psychiatrie est un domaine complexe où persistent encore beaucoup d’inconnues. La recherche n’est pas simple : variabilité des mécanismes en jeu, variabilité des troubles au cours du temps ou d’un patient à l’autre... De plus, un “diagnostic” ne résume pas à lui seul les troubles ni leurs profils évolutifs et une même altération biologique peut s’exprimer par plusieurs diagnostics.
Pour contourner ces freins, la recherche s’est enrichie de méthodes permettant de dépasser des cadres diagnostiques trop rigides, d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques et mieux personnaliser les traitements. Les méthodes d’analyse se sont aussi adaptées pour la recherche en sciences sociales.
Aujourd’hui, il ne fait nul doute que l’apport des thérapeutiques “biologiques” sont synergiques avec les autres interventions psychosociales, permettant de proposer des interventions adaptées à l’individu considéré dans l’intégralité de son parcours et son environnement.
Les avancées récentes sont nombreuses et permettent dans la majorité des cas une prise en charge en ambulatoire avec une rémission des symptômes, un rétablissement voire une guérison
Représentation des maladies mentales
La représentation des maladies mentales est souvent associée à la violence, l’imprévisibilité, l’incapacité à développer des relations durables ou d’exercer un métier. Les soins psychiatriques sont quant à eux encore associés à l’asile, l’internement de force ou l’absence de guérison et même d’efficacité. Ces représentations sont ainsi largement véhiculées par la pop culture, se servant de « l’image psychiatrique » comme vecteur d’émotions généralement négatives et intenses pour toucher le grand public.
Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé.
Idées reçues et réalités
Les patient·es atteint·es de troubles psychiques sont tou·tes violent·es
Les statistiques montrent, qu’au contraire, les personnes atteintes de troubles psychiques ont 11 à 13 fois plus de risques d’être victime de violences physiques.
La dépression, c’est un manque de volonté, quand on veut, on peut
La dépression est une vraie maladie, due à un dérèglement de la chimie du cerveau. Elle est fréquente, une personne sur cinq souffrira de dépression au moins une fois dans sa vie, quel que soit son tempérament. La perte d’énergie, de motivation et le repli sont des symptômes de la dépression, indépendamment de la volonté de la personne qui en souffre.
Les schizophrènes sont toujours imprévisibles
L’expression des troubles chez les personnes souffrant de schizophrénie est très variable d’un individu à l’autre, il y a autant de formes de schizophrénies que de personnes qui en souffrent. On ne peut réduire la personnalité et le comportement de quelqu’un à sa pathologie. L’imprévisibilité n’est pas spécifiquement associée à la maladie schizophrénique.
La schizophrénie est un dédoublement de la personnalité
Faux, la schizophrénie est une maladie qui entraîne une perte de contact avec la réalité avec hallucinations et idées délirantes lorsqu’elle n’est pas traitée. Le dédoublement de la personnalité est associé au trouble dissociatif de l’identité.
Iel ne sait pas gérer ses émotions, donc iel est bipolaire
Le trouble bipolaire est un trouble marqué par des variations intenses, importantes et durables de l’humeur. Ces fluctuations sont indépendantes de la volonté de la personne qui en souffre. C’est une pathologie qui nécessite une prise en charge globale et adaptée.
Iel est égoïste, donc iel est forcément autiste
Les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme présentent des difficultés dans la communication, les interactions sociales et la compréhension de certains codes sociaux. Cela ne veut pas dire qu’elles sont indifférentes aux autres, ni qu’elles n’ont pas besoin d’être entourées.
La psychiatrie, c’est pour les fous
Les maladies psychiatriques peuvent toucher tout le monde quel que soit l’origine culturelle ou le niveau social. Elles sont fréquentes. 1 personne sur 4 souffre de troubles psychiatriques.
Les maladies mentales, c’est dans la tête
Le terme de “mental” tend faussement à séparer “tête” et “corps” alors qu’ils sont intimement liés. La santé est relative à la santé “physique” et “mentale” et la psychiatrie doit se situer dans une approche globale de l’individu tant sur le plan somatique que psychologique. Les maladies psychiatriques s’associent à des désordres biologiques identifiables bien au-delà du cerveau et à l’inverse, des troubles “psychiques” révèlent régulièrement des maladies “organiques”.
En psychiatrie, quand on se fait interner, c’est pour la vie
Les hôpitaux psychiatriques fonctionnent comme les hôpitaux classiques. L’hospitalisation dure le temps de la prise en charge aiguë, l’objectif étant le rétablissement. Aujourd’hui, les asiles n’existent plus et on ne parle plus d’internement.
Un traitement psychiatrique va changer ma personnalité
Le traitement permet de réduire les symptômes et la souffrance associée et de retrouver son fonctionnement de base, il ne change pas la personnalité.
Les conséquences de la stigmatisation
Les maladies mentales sont encore bien trop stigmatisées dans la population générale.
La stigmatisation a des conséquences personnelles, sociales et sur les soins. Elle entraîne un retard d’accès aux soins des personnes qui en ont besoin car « aller voir le psy » reste honteux.
Les conséquences de la stigmatisation des troubles psychiatriques sont multiples :
- Sur le plan personnel : auto-stigmatisation, baisse de l’estime de soi, sentiment de honte, de culpabilité, d’infériorité, renoncement aux projets de vie, difficultés à nouer des relations, efforts de pédagogie constants, stress et repli social
- Sur le plan social : rejet des pairs, difficultés à obtenir un logement, exclusion du monde du travail, non-recours aux prestations sociales, marginalisation
- Sur les soins : manque d’information, retard de diagnostic et d’accès aux soins, évitement des soins psychiatriques, difficultés d’accès aux soins médicaux non-psychiatriques, banalisation des plaintes des personnes, abandons thérapeutiques, perte de chance
Les leviers d'action
Tout le monde peut agir pour combattre les préjugés qui mènent à la stigmatisation et à la discrimination.
Chacun peut agir à son niveau.
- Soyez bienveillant·es envers les personnes ayant des pathologies psychiatriques
- N’utilisez pas les pathologies psychiatriques comme des insultes
- Dites plutôt « personne atteinte de trouble psychiatrique » plutôt que « fou » ou « malade mental »
- Intervenez auprès des gens qui font des blagues ou des commentaires désagréables et déplacés sur ce sujet. Rappelez-leur que leurs remarques peuvent blesser des personnes et contribuer à la stigmatisation de celles-ci
- N’oubliez pas que les maladies psychiatriques sont la plupart du temps « invisibles » de prime abord, et vous avez certainement déjà croisé des personnes qui en souffraient sans que vous le sachiez
- Exprimez sans gêne une opinion positive à l’égard des personnes atteintes de troubles psychiatriques
- Contribuez à bien renseigner les gens sur la maladie mentale en leur donnant de l’information de qualité
- Appuyez les initiatives prises dans votre milieu pour combattre la stigmatisation et la discrimination envers la maladie mentale
Conseils à soi même.
- C’est OK d’aller voir un psy, il n’y a pas de honte à demander de l’aide
- J’ai le droit d’avoir des projets de vie, même si je souffre de trouble psychiatrique
- J’ai le droit au respect et à la considération de chacun, quelle que soit ma condition
- J’ai le droit d’accéder, sans perte de chance, aux mêmes soins médicaux que les personnes ne souffrant pas de troubles psychiatriques